Le saviez-vous? Si vous disposez d’un certain talent de coiffeur/coiffeuse et que vous aimeriez laisser libre cours à votre passion pour le cheveu bien coiffé de manière occasionnelle, puis que vous habitez dans la belle région de Gatineau, vous devez obtenir un permis?

Et oui, la coiffure fait partie des secteurs d’activité encadrés par des lois et règlements gouvernementaux. Il y a deux ans, tout le Canada avait porté une attention inhabituelle aux nouvelles en provenance de l’Outaouais, lorsque les médias ont annoncé une hausse décrétée du prix minimum obligatoire pour une mise en plis, et autres œuvres capillaires.

En fait, les coiffeurs de l’Outaouais sont les seuls au Québec, voire au Canada, sinon dans la partie ouest de la Voie lactée, à être soumis à une loi d’encadrement, le décret instituant le Comité paritaire des coiffeurs de l’Outaouais. Il s’agit d’une vieille patente mise en place en 1934 dans toutes les régions du Québec. Peu à peu, les comités paritaires régionaux ont disparu, jusqu’à l’avant-dernier, celui de la Montérégie en 1994. Mais pas celui de l’Outaouais.

Le décret détermine les heures d’ouverture des salons (ils sont fermés le dimanche, le lundi et mardi soirs), le salaire des coiffeuses et l’ensemble des conditions de pratique dans le milieu.

Si je vous parle de ça, c’est que l’encadrement législatif de la pratique des métiers et professions fait l’objet d’un âpre débat aux États-Unis cette semaine. Un chercheur de l’Université du Minnesota relevait dans les pages du New York Times que plus du tiers des travailleurs américains ont besoin d’un permis pour exercer leur métier. Dans les années 70, il n’y en avait pas 1 sur 10.

Le sujet est d’autant plus d’actualité que pas plus tard que la semaine dernière, le numéro deux de la Chambre des représentants à Washington, Eric Cantor, invitait les gouverneurs à discuter de la question. Or, mardi dernier, Cantor, a démissionné de son poste, après avoir été battu à sa propre investiture en vue des prochaines élections.

Ce n’est pas qu’il y a tant que ça plus de médecins et d’ingénieurs, des professions heureusement encadrées, pour la sécurité et le bien du public. C’est que les élus se sont acheté des votes au fil des élections, en limitant l’accès à de nombreux corps de métier à ceux qui le pratiquaient déjà. Ainsi, dans 13 états, il faut formation et permis pour servir de l’alcool dans un bar, dans 21 pour vendre des voyages et dans un (la Louisiane) pour vendre des fleurs.

L’auteur de l’étude, Morris Kleiner, faisant notamment remarquer que dans son état, il fallait plus d’heures de formation pour devenir manicuriste que paramédic. Ce qui, évidemment, n’a aucun sens, et dont l’objet réel est de restreindre l’accès milieu afin de maintenir les prix plus élevés. Bref, c’est du protectionnisme, dont les consommateurs en sont les victimes les plus apparentes.

Mais les vraies victimes, dit Kleiner, sont les chômeurs et autres travailleurs qui se voient priver d’occasions de s’épanouir, faute d’avoir les moyens de faire tout le parcours de formation et réglementaire pour être licenciés.

Au Québec aussi les contraintes d’accès à plusieurs métiers fait tiquer. Dans l’industrie de la construction, 38 métiers sont régis, alors qu’en Ontario, il n’y en a pas une douzaine.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (Québec) exige l’abolition des comités paritaires, faisant valoir notamment que les lois du travail suffisent maintenant. Il n’en existe pas seulement dans la coiffure, mais aussi dans le secteur de la vente et la mécanique automobiles. Les partisans des comités rétorquent que ces organisations constituent, entre autres, un excellent moyen de lutte à l’évasion fiscale. Dans le secteur de la coiffure, par exemple, la déréglementation du secteur à la grandeur du Canada a fait exploser la part des coiffeurs qui travaillent de la maison et qui ne déclarent pas de taxes de vente.

Aussi, Morris Klein a noté que l’émission de permis permet d’augmenter de plus de 15% les revenus des travailleurs touchés. Pour reprendre l’exemple des coiffeurs au Québec (sauf en Outaouais, évidemment), la déréglementation a eu pour effet de geler les revenus moyens des coiffeurs depuis 1990. Par contre, on note qu’un grand nombre des coiffeurs exerce désormais en dilettante, en occupant un autre (vrai) emploi ailleurs.