L’ère de la carrière unique et linéaire est bel et bien révolue. La tendance est au papillonnage, avec une propension à changer sinon de carrière, du moins d’emploi tous les deux à sept ans. Décryptage du phénomène.

 

La volatilité semble avoir bien meilleur goût en matière d’occupation professionnelle. « Ce n’est pas nouveau, mais c’est un phénomène qui s’accentue, observe Florent Francœur, président-directeur général de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. L’étendue des opportunités va grandissante et les gens s’interrogent sur ce qu’ils veulent faire. » Il faut néanmoins faire la nuance entre changement de carrière et changement d’emploi, prévient M. Francœur, le premier représentant une mutation majeure et moins fréquente.

 

L’économie en cause

C’est entre autres une question de cycles économiques, croit-il. De plus en plus courts, ils influent inévitablement sur les entreprises, qui connaissent leurs propres cycles. « Mises à pied, fusions, fermetures… Les entreprises ne peuvent plus garantir une carrière à vie, on est davantage appelé à perdre son emploi. » Et la notion de fidélité à l’entreprise en serait mise à mal, selon M. Francœur. « Les baby-boomers étaient plus dociles, ils ont grandi avec l’idée de ne faire qu’une carrière. La jeune génération a moins cette culture d’entreprise. »

 

« Qu’as-tu à me vendre? »

Dans le sillage des indétrônables baby-boomers, les X ont tenté de prendre leur place comme ils ont pu, croit Josée Blondin, psychologue organisationnelle et présidente d’InterSources, une firme spécialisée en organisation du travail et ressources humaines. « C’est la génération qu’on a appelée McJob, celle avec qui on a vu apparaître la tendance à occuper plusieurs emplois successifs. » Le marché du travail est aujourd’hui incomparablement plus ouvert. « Les Y veulent relever des défis et s’écoutent davantage. Les Z seront la génération des « Qu’as-tu à me vendre? » » Autrement dit, ils n’hésiteront pas à papillonner : que les employeurs se le tiennent pour dit!

La volatilité incombe-t-elle à la tendance à davantage chercher à se réaliser, ou plutôt à l’évolution du marché du travail? « C’est un mélange des deux, répond Josée Blondin. On a d’un côté plus d’opportunités en terme d’emploi, et de l’autre des êtres humains qui veulent se développer et être reconnus. » Elle croit néanmoins qu’avec des conditions de travail correspondant à leurs aspirations, les Y, mais aussi les Z, tendent davantage à investir plus longtemps un même emploi.

 

Les employeurs auraient donc tout intérêt à considérer le besoin d’épanouissement au travail. « Cette réalité donne le gros bout du bâton à la main-d’œuvre, estime Florent Francœur. D’un point de vue de ressources humaines, ça met une pression énorme sur les entreprises pour retenir leur personnel. » Josée Blondin abonde. « Les organisations vont devoir revoir leurs pratiques afin de conserver savoirs et acquis, et de garder la mémoire de l’entreprise malgré le roulement de personnel. »