En France, un employé a été licencié sans indemnités pour « faute grave », justifié par un nombre jugé abusif de visites à des sites Internet sans rapport avec son travail. Au Québec, une telle sanction serait compliquée… mais pas impossible.

Le 1er mars 2013, la Cour de cassation française a fait jurisprudence en validant le licenciement pour « faute grave » d’un cadre dont l’assiduité à Internet à des fins personnelles a été jugée abusive. Plus de 10 000 connexions en 3 semaines à des sites de prêt-à-porter, de tourisme, de magazines, d’événements divers et de comparaisaons de prix ont justifié qu’il soit congédié sans préavis ni indemnités.

Cette décision est une première en France, où le contrat de travail ne facilite pas la mise à la porte des employés. Au Canada en 2003, 34 % des entreprises avaient déjà eu recours à des sanctions disciplinaires relatives à un usage abusif d’Internet, si on en croit l’entreprise Websense, spécialiste du filtrage.

La notion de « vol de temps » est évoquée. Mais le caractère abusif qui pourrait justifier un congédiement ne fait pas l’objet de précisions dans la loi. Un employé qui estimerait avoir été mis à la porte de manière injustifiée peut porter plainte contre son ex-employeur. Le site de la Commission des relations de travail du Québec donne accès à plusieurs dizaines de cas.

 

Article 124

En vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, c’est sur l’employeur que repose le fardeau de prouver que la cause du congédiement est « juste et suffisante ». L’article 128 permet quant à lui à la Cour de substituer le congédiement par une sanction qui serait jugée plus proportionnelle à la faute, si elle est reconnue.

Dans un jugement rendu le 11 octobre 2011, la compagnie Coca-Cola Canada a dû réintégrer un employé congédié pour son utilisation d’Internet au travail, notamment dans le cadre d’échanges de fichiers pornographiques. La sanction s’est finalement limitée à une suspension sans solde de deux semaines. L’absence de politique claire de la compagnie concernant l’utilisation d’Internet sur le temps de travail a bénéficié à l’employé congédié, qui contestait cette sanction en vertu de l’article 124.

Charte internet

Malgré le « bon sens » évoqué par Coca-Cola Canada, l’employé a indiqué qu’il ne pensait pas mal faire puisqu’aucun document produit par la compagnie n’interdisait ce genre de pratique.

Pour éviter de telles situations, les entreprises peuvent se doter d’une charte Internet, qui régirait les règles concernant la politique d’utilisation d’Internet sur le lieu de travail. Celle-ci sert de référence en cas de conflit et peut appuyer un congédiement si elle énonce les sanctions possibles. Mais encore faut-il que l’entreprise puisse produire les preuves du non-respect de cette charte par l’employé qu’elle souhaite congédier.

La surveillance des employés au travail est permise par les droits de gérance, de direction et de propriété de l’équipement informatique de l’entreprise. Mais elle est contre-balancée par la Charte des droits et libertés de la personne et du Code civil du Québec qui régit le respect de la vie privée des employés au travail. Cette pratique, pour qu’elle soit recevable devant les tribunaux en cas de litige, devra elle aussi être considérée « juste et suffisante ».

Bref, tout est une question d’équilibre.