Pour un employeur, avoir le sens de l’éthique ne veut pas seulement dire respecter la loi et se tenir loin de la corruption. La notion englobe également le bien-être des employés, dit Luc Brunet, professeur titulaire en psychologie du travail et des organisations à l’Université de Montréal.

Petit guide de survie quand on a un employeur à l’éthique élastique…

Sans être épidémiques, les pratiques tyranniques au sein des organisations sont suffisamment répandues pour qu’on s’en préoccupe : « Aux États-Unis, une étude a démontré qu’il y avait de 15 à 17 % des organisations qui présentaient des problèmes de comportements tyranniques », lance Luc Brunet.

Le professeur identifie trois types de responsabilités éthiques pour un employeur : « L’employeur a un devoir de sollicitude, soit de prendre soin de ses employés. Il a un devoir de justice, soit de traiter tout le monde avec équité. Il a enfin un devoir de critique, soit de permettre aux employés de critiquer l’organisation. »

Les comportements non éthiques vont de la censure, du harcèlement ou de la surveillance excessive des employés à la corruption pure et simple.

Dans tous les cas, les comportements non éthiques peuvent avoir de fâcheuses conséquences sur le moral des troupes :

« Un employé qui est témoin d’un comportement non éthique ou qui le subit s’en ressentira psychologiquement, explique Luc Brunet. Il peut se sentir déprécié et cela peut mener à la dépression. L’employé peut se désengager de l’entreprise en développant une attitude sarcastique. Il peut devenir carrément aliéné et en faire le moins possible. »

Compte tenu de ces conséquences, il est important de réagir promptement en tant qu’employé. « On peut se tourner vers les instances mises en place pour protéger les travailleurs : syndicat ou comité paritaire », suggère le professeur.

Pour l’aspect psychologique, recourir au Programme d’aide aux employés (PAE), si on a la chance de travailler dans une organisation qui en offre un, peut certainement aider à traverser cette période stressante.

Pour ce qui est de la dénonciation des comportements peu éthiques, de nouveaux outils sont offerts depuis quelques années. Par exemple, la Ville de Montréal a mis en place une ligne téléphonique permettant aux « whistleblowers » de signaler de manière confidentielle un acte de corruption. L’Ordre des ingénieurs du Québec a une ligne téléphonique (1 877 ETHIQUE) où les ingénieurs peuvent demander un avis sur une situation douteuse.

« Et plusieurs organisations ont des services d’ombudsman pour arbitrer les plaintes », rappelle aussi le professeur.

 

L’importance des détails

Quand on décide de passer à l’action et de dénoncer un geste inacceptable, Luc Brunet conseille de bien documenter la situation : « Souvent, c’est la parole du patron contre celle de l’employé. Il est donc important de monter un dossier avec des faits véridiques, qui sont à la fois observables, vérifiables et quantifiables. Par exemple : le patron m’a demandé ceci à telle heure, tel jour. »

On soumet ensuite la plainte à l’instance appropriée. Or, c’est ici que le bât blesse; Luc Brunet juge encore limités les recours qu’ont les travailleurs pour défendre l’intégrité de leur organisation : « Quand les employés se rebiffent contre un employeur tyrannique, les chances sont bonnes qu’ils subissent ses foudres. »

« Et puis, plusieurs entreprises n’ont aucun mécanisme d’arbitrage, ajoute-t-il. Dans ce cas, l’employé n’aura d’autre choix que de partir s’il veut améliorer son sort… »