Avocat de formation, Philippe Arseneault est journaliste à La Presse et auteur du roman Zora, un conte cruel qui lui a valu le prix Robert-Cliche en 2013. Avant ce tour de force, il a vécu pendant neuf ans en Chine. Comment fait-on pour travailler en Chine lorsqu’on n’y a jamais mis les pieds?

Qu’est-ce qui vous a amené à aller en Chine?
Philippe Arseneault : Dès l’âge de sept ou huit ans, je caressais le rêve d’aller un jour en Chine. Après mes études universitaires, je suis tombé sur une annonce du Collège Laflèche qui cherchait un professeur pour aller apprendre le français à une classe de lycéens chinois de Benxi. La collaboration avait pour objectif que les élèves chinois viennent ensuite faire leurs études à Trois-Rivières. Même si je n’avais pas fait d’études françaises, j’ai été choisi en raison de mon bagage juridique qui les rassurait. J’avais également suivi un cours de mandarin de base. L’établissement québécois s’est occupé de tout : de la négociation du contrat, du logement et du suivi par la suite avec l’école chinoise. Mon adaptation a donc été grandement favorisée par cette aide et après la fin du contrat de deux ans, je parlais couramment le mandarin.

Avez-vous eu de la difficulté à trouver un autre emploi?
P.A. : Encore une fois, la chance m’a souri. Une amie m’a signalé une offre d’emploi de la télévision publique chinoise pour une chaîne francophone à Pékin. J’ai posé ma candidature et on m’a embauché à titre de rédacteur-traducteur. J’y suis resté pendant six ans.

Quelles différences existe-t-il entre les relations employeurs-employés en Chine par rapport au Canada?
P.A. :
La hiérarchie est beaucoup plus importante en Chine. On ne doit pas employer le même niveau de langage avec les patrons, et les marques de respect sont différentes. Par exemple, il faut absolument vouvoyer la direction et éviter d’être trop direct. À mes débuts des collègues qui m’ont vu agir m’ont mentionné qu’il ne fallait pas aller voir directement un patron pour lui parler d’un problème. Il faut plutôt passer par les personnes autorisées à parler au patron.

Comment fait-on pour négocier son salaire en Chine?
P.A. :
Dans le cas de la télévision chinoise qui relève du gouvernement, il n’y a pas de négociation de salaire possible, puisque tout est prévu à la signature du contrat d’embauche : le salaire, les augmentations et les assurances.

À quoi ressemble une journée de travail typique pour un expatrié qui travaille en Chine ?
P.A. :
On était divisés en équipe de travail. Pendant deux semaines, on travaillait de 7 h à 14 h, puis l’horaire changeait ensuite de 15 h 30 à 21 h. Jamais on ne nous demandait de travailler en heures supplémentaires. Cet horaire était toutefois celui des étrangers. Pour mes collègues chinois, la charge de travail était beaucoup plus élevée et ils travaillaient au moins deux heures de plus que nous par jour.

Quelles embûches avez-vous rencontrées sur votre parcours professionnel ?
P.A. :
J’ai dû trouver un appartement pour mon deuxième emploi. Une pratique courante dans le domaine de l’immobilier chinois consiste à ce qu’un propriétaire vous demande une caution qui équivaut au montant du loyer pour deux ou trois mois. Bon nombre de propriétaires ne remboursent pas la caution aux étrangers à la fin du séjour pour aucune raison valable. Ça m’est arrivé !

Quelle leçon pouvez-vous tirer de votre travail en Chine ?
P.A. :
On connaît déjà les vertus de la sieste, mais j’ai eu l’occasion de constater ses effets bénéfiques. Les travailleurs chinois font une sieste de 15 à 25 minutes après le dîner et leur productivité augmente de façon impressionnante par la suite. Je pense que ça a une influence majeure sur le travail, quoique je n’aie plus l’occasion de pouvoir en profiter au Canada !