La coeur plutôt que la raison? Un consensus bien de notre époque qui repose sur un raisonnement simple : puisque nous passons la majorité de nos journées au bureau, autant que ce temps soit consacré à exercer une activité que l’on aime. Ainsi, nous serons heureux. Non?

 

Pourtant, ce principe selon lequel notre vie professionnelle se portera mieux si elle carbure à notre passion pourrait paradoxalement nuire à notre carrière et à notre bonheur. Pour beaucoup de gens qui ont fait ce choix, le quotidien professionnel rime plus souvent avec précarité et maigres revenus qu’avec nirvana. « Ce n’est pas surprenant que les stages non rémunérés abondent dans des domaines très socialement désirables, comme la mode, les médias ou les arts, écrit Miya Tokumitsu, dans un texte repris par le site américain Slate.com. Ces industries sont depuis longtemps habituées à avoir des masses d’employés prêts à travailler pour de la monnaie sociale plutôt que pour un vrai salaire, et tout ça au nom de l’amour. »

 

Le travail dévalorisé par le fait de l’aimer?

La docteure en histoire de l’art constate que l’idée de « faire ce qu’on aime » s’accompagne d’un manque de reconnaissance du travail et d’une dégradation des conditions de travail.  « Au lieu de dessiner une nation de travailleurs joyeux qui se sont réalisés [à travers leur emploi], notre époque du « faites ce que vous aimez » a vu l’apparition de professeurs adjoints [qui sont précaires et mal payés dans les universités américaines] et de stagiaires non rémunérés – des gens qu’on a persuadés de travailler gratuitement ou pour pas cher », écrit-elle.

 

En effet, les personnes qui exercent des activités généralement considérées comme plaisantes ont souvent des difficultés à obtenir du travail correctement rémunéré. On demande souvent aux photographes, aux graphistes ou encore aux journalistes de travailler gratuitement en arguant que cela leur rapportera de la visibilité. Étant donné que ces personnes exercent une activité perçue comme facile et agréable, il semble aux yeux de certains que ces compétences ne méritent pas forcément d’être compensées financièrement, alors que personne ne penserait à payer « en visibilité » un plombier ou un comptable.

 

D’autres sources de plaisir au travail

Se réaliser dans son travail ne passe pas forcément par adorer son emploi. Différentes études ont montré que l’épanouissement professionnel est le résultat de plusieurs facteurs : se sentir respecté, travailler dans une bonne ambiance, être reconnu pour ce qu’on accomplit, entretenir de bonnes relations avec ses collègues, avoir un équilibre avec sa vie personnelle… et effectuer des tâches intéressantes.

 

Il est possible de trouver stimulant un emploi même s’il ne correspond pas à ce que l’on aime faire : s’il nous permet d’apprendre ou de nous dépasser, par exemple, ou s’il est en accord avec nos valeurs, comme le fait d’aider les autres.