Il n’y a pas que les impôts…

Les Québécois paient beaucoup de taxes, d’impôts et de cotisations de toutes sortes. C’est connu. Et comme Don Quichotte dans sa lutte inachevée contre les moulins à vent, l’Institut Fraser revient régulièrement à la charge avec de nouvelles « études » stupéfiantes qui révèlent chaque fois pour la toute première fois que… les Québécois paient beaucoup de taxes, d’impôt et de cotisations de toutes sortes.
Ça a été le cas encore cette semaine avec la publication d’une nouvelle étude, dont les médias, en panne sèche estivale se sont délectés en manchettes. Et je vous le donne en mille : les Québécois paient beaucoup de taxes, d’impôts et de cotisations de toutes sortes. Une augmentation de 1800% depuis 1961 (tandis que les revenus n’augmentaient que de 1400%. Le blogueur du magazine L’actualité, Alexis Gagné, démonte assez facilement la trame narrative qu’en retient le groupe fiscalement à droite, justement.)
On paye, et plus que tout autre Canadien. Mais ça ne veut pas dire que les autres Canadiens ne paient pas beaucoup d’impôt. Tout le monde au pays laisse ses chemises au fisc. Mais certains plus que d’autres. Qui?
Statistique Canada, dont les chiffres sont épisodiquement pas fiables, avançait il y a deux ans que le 1% des contribuables les plus riches du Canada payaient en 1982 13% de tous les impôts, et qu’en 2010, c’était rendu à 21%. Ce que le Fraser Institute avait mentionné comme un signe de grandes iniquités sociales (mais en omettant volontairement l’autre partie de l’équation, à savoir que les revenus de ces membres du 1% avaient augmenté de 48%, en tenant compte de l’inflation, depuis 1982, mais seulement de 1,4% pour les 99% restants).
C’est trop z’inzuste, dirait Caliméro.
Or, il n’y a pas que l’impôt dans la vie. Il y a aussi les taxes de vente, les impôts fonciers, les taxes scolaires, les taxes spéciales (comme celles pour le financement des réseaux de la santé, en vigueur notamment au Québec et en Ontario), les taxes sur certains produits (essence, alcool, tabac), et les cotisations de toute sorte (assurance-emploi, régime de congés parentaux, Régie des rentes, etc).
Un groupe concurrent au Fraser et à l’opposé sur l’échiquier politique, le Centre canadien de politiques alternatives, avait, il y a quelques années, fait l’étonnant exercice de mesurer qui, compte tenu de l’épaisseur de son portefeuille, s’imposait le plus gros effort fiscal. Les chiffres dataient de 2005, mais les tendances fiscales canadiennes n’ont pas assez évolué pour quoi que ce soit de fondamental dans l’exercice.
La réponse surprend. C’est que la plupart de ces ponctions fiscales ont la mauvaise habitude d’être moins progressives, c’est-à-dire qu’elles tiennent moins compte, sinon pas du tout, de la capacité de payer des payeurs.
Par exemple, les taxes municipales: votre maison, en matériaux et en temps de construction n’a beau valoir que 125 000$, soit le montant que vous êtes en mesure de décaisser pour vous la payer. Votre ville vous la taxe pourtant sur une valeur de 300 000$. Soit 5 fois votre revenu.
Ce qui fait en sorte que le 1% des plus riches de notre monde paye moins de 2% de son revenu en moyenne en taxes municipales. Le contribuable de la classe moyenne? Lui doit réserver près de 5% de son revenu aux impôts fonciers.
Les cotisations à l’assurance-emploi? Elles représentent 0,2% des revenus des plus riches, soit 3 fois moins que ceux des travailleurs faisant partie des 10% les plus pauvres. Ceux sur qui la note est encore la plus salée? La classe moyenne! Ces retenues représentent jusqu’à 2% (moins des poussières) de leurs revenus.
Les cotisations au Régime de pension du Canada (ou à la Régie des rentes au Québec)? Elles ne grugeaient que 0,2% du portefeuille du 1%, contre plus de 4% pour la classe moyenne et 1,2% des plus pauvres.
Bref, une fois tout, tout, et tout bien compté(s), les 10% les plus pauvres versaient à l’État 30,7% de leurs revenus, la classe moyenne autour de 36% et le 1% le plus riche? 30,5%.
C’est cela: le 1% le plus riche paie moins d’impôts et taxes que le 10% le plus pauvre. Et n’oubliez pas cet autre vieux principe (un vrai de vieux, il date du 19ième siècle): un dollar de moins dans la poche de l’ultrariche est passablement moins douloureux que le dollar de moins dans la poche du pauvre. Pour le premier, il ne s’en rend même pas compte, et le second, lui, il se rend compte que ce dollar de moins l’empêche de manger à sa faim.