L’économie du partage : le génie sorti de la lampe

Le contraste est saisissant : d’un point de vue législatif, les services étendards de « l’économie du partage », Uber et Airbnb, reçoivent des remontrances de toutes parts.
En début d’année, le ministre Poëti ne voyait « pas de lumière au bout du tunnel pour permettre Uber », jugeant ce transport « illégal ». En 2013, 2 000 aubergistes inscrits sur Airbnb ont fait l’objet d’une enquête, soupçonnés de ne pas respecter la loi et le règlement sur les établissements touristiques.
Pourtant, au quotidien, les nouveaux services issus de l’économie du partage apparaissent dans l’ordre des choses. Et on imagine mal un retour en arrière. Survol des enjeux.
Une économie sur son erre d’aller
L’économie du partage a le poids des dollars : Rachel Botsman, experte en économie collaborative, évalue à 26 milliards les retombées mondiales de ce secteur émergeant. Le cabinet PricewaterhouseCoopers, quant à lui, prédit de beaux jours, avec une extrapolation de 335 milliards en revenus annuels à l’échelle mondiale d’ici 2025.
Les secteurs touchés sont nombreux : hébergement, location d’autos, de vélos, d’équipement et d’outils. Airbnb est maintenant implanté dans plus de 190 pays. Uber, dans plus de 250 villes.
Des économies substantielles
Les rabais frappent l’imaginaire : des chambres à louer pour aussi peu que 40 ou 50 $ la nuit, des courses en taxi jusqu’à 30 % moins chères à Québec et 45 % moins chères à Montréal (selon Uber).
Une étude récente des chercheurs Christopher Koopman et Matthew Mitchell explique le mécanisme derrière de telles aubaines. En encourageant les particuliers à utiliser leurs biens personnels (voiture, maison, etc.) pour faire du commerce, l’économie du savoir « crée de la richesse » en raison du fait que les services offerts et reçus n’auraient bien souvent pas lieu autrement.
Le fournisseur fait fructifier une maison qui normalement serait demeurée un « capital dormant ». Le consommateur fait un séjour qu’il ne se serait pas offert en temps normal. C’est gagnant-gagnant, direz-vous ? Pas entièrement.
Des critiques
« Uber est un service illégal, déloyal et malhonnête. » C’est avec ces mots durs que Taxi Coop a décrié et dénoncé l’implantation d’Uber à Montréal. Et ce n’est qu’une des voix discordantes qui s’élèvent contre l’économie du partage.
Des hôteliers du Québec accusent Airbnb de leur faire de la concurrence déloyale, et demandent au gouvernement d’agir.
Le plus grand reproche qu’on adresse à l’économie du partage est celui de la sécurité. Tant celle des consommateurs que celle des travailleurs. Les biens et services s’échangent à l’ombre du cadre législatif. Les consommateurs troquent, bien souvent, des protections légales contre une réduction sur la facture.
Au-delà des sous, des valeurs
Et pourtant, la tendance demeure. Le mot se passe. Voyager « chez l’habitant » redevient à la mode avec Airbnb et Couchsurfing. On parcourt les sites Kijiji, eBay et Maxloc à la recherche d’items uniques, qui ont une histoire.
Car au-delà des prix, ce sont les valeurs qui séduisent. L’économie du partage permet un retour aux échanges de bon voisinage. Au sens de la communauté. À la découverte de l’Autre.
Ça représente aussi une plus grande liberté de choix. Car l’économie du partage est beaucoup plus souple sur les moyens que les secteurs traditionnels.
Difficile de revenir en arrière, maintenant que le génie est sorti de sa lampe.