Les caméras ne sont plus les seuls outils à la disposition des employeurs qui veulent surveiller leurs salariés. Ils peuvent également utiliser des logiciels. Une surveillance électronique qui permettrait de réduire les vols, mais aussi d’augmenter la productivité des travailleurs.
Big Brother au service de meilleures performances?

par Fanny Bourel

Des résultats surprenants
Restaurant Guard est un logiciel qui permet à un restaurateur de découvrir si un serveur vole dans la caisse ou annule certaines factures afin de garder pour lui une partie de l’argent laissé par le client. Cet outil analyse les transactions enregistrées et repère les répétitions d’un même type d’« erreurs », lesquelles suggèrent une fraude délibérée.

Entre 2010 et 2012, Lamar Pierce, Daniel Snow et Andrew McAfee, trois chercheurs universitaires américains, ont mesuré les fraudes avant et après l’installation du logiciel dans 392 restaurants à travers 39 états américains. Ils ont découvert que la mise en place du logiciel avait permis une baisse de 22 % des vols, mais surtout une augmentation de 7 % du chiffre d’affaires des restaurants.

Les auteurs de l’étude pensent que les travailleurs les plus « voleurs » ont eux-mêmes décidé de quitter leur emploi. Mais ils expliquent surtout leurs résultats par un changement de comportement des employés. Conscients qu’ils risquaient d’être pincés par le logiciel de surveillance, les serveurs ont trouvé un autre « petit truc » pour accroître leurs revenus. Ils ont concentré leurs efforts sur le service à la clientèle, ce qui a permis une hausse des pourboires laissés par les clients. Ils les ont également encouragés à davantage consommer. Les ventes d’alcool ont d’ailleurs augmenté de 10 % suite à l’installation du logiciel Restaurant Guard.

L’utilisation du logiciel a également permis aux gérants de ces restaurants de consacrer moins de ressources à la traque aux fraudeurs et plus de temps à gérer leurs équipes, augmentant ainsi leur productivité.

Nouvelle perspective
Le coût du vol et de la fraude commis par des employés est estimé à 200 milliards par an aux États-Unis. Cette étude permet de démontrer qu’une surveillance moins intrusive que des caméras est efficace. Pour les auteurs, elle prouve également que renvoyer des employés malhonnêtes n’est pas la seule solution pour réduire les vols et les fraudes. « Nous montrons que les entreprises peuvent utiliser l’information sur les vols commis par les employés non pas seulement pour renvoyer les coupables, mais plutôt pour modifier leurs comportements afin d’améliorer la productivité », soulignent-ils.

Ces résultats viennent donc démentir l’idée jusque-là répandue en ressources humaines selon laquelle la productivité et l’intégrité des employés dépendent surtout d’une bonne sélection au moment de l’embauche et non des pratiques managériales ou technologiques.

« [Ces conclusions] indiquent que la mauvaise conduite d’un employé est plutôt le résultat de politiques managériales que de divergences individuelles en matière d’éthique et de moralité », écrivent les trois chercheurs.

Voir l’étude : Cleaning House: The Impact of Information Technology on Employee Theft and Productivity http://apps.olin.wustl.edu/faculty/pierce/cleaninghouse.pdf