La méthode ROWE. Quatre lettres qui révolutionnent la gestion dans le monde du travail. Fini les horaires, le patron ne se fie maintenant plus qu’aux résultats. Zoom sur la tendance.

« Grâce au ROWE, ils ont résolu leurs trois problèmes : ils sont devenus attractifs, ils ont fidélisé le personnel et ils ont obtenu un impact financier positif lié à la productivité ainsi générée ».

« Ils », c’est le détaillant de matériel électronique Best Buy. Celui qui parle, c’est Jean-François Rougès, doctorant en administration à l’Université Laval et consultant au Groupe Forest. Dans son parcours, il a eu l’occasion de rencontrer Cali Ressler et Jody Thompson, les deux Américaines qui ont conçu la méthode ROWE, mise en place chez Best Buy en 2003.

La gestion par les résultats
Selon l’approche de la méthode ROWE (Results-Only Work Environment), les salariés jouissent d’une liberté quasi totale… tant qu’ils atteignent les objectifs individuels et collectifs définis. Aussi audacieux que cela puisse paraître, le concept permet aux employés de travailler d’où ils veulent et comme bon leur semble.

« Les gens ne sont absolument pas obligés d’aller au bureau même pour assister aux réunions, s’étonne encore un peu M. Rougès. Si l’individu considère que ça ne l’aidera pas à atteindre ses objectifs, personne ne peut le lui reprocher. »

Chez Best Buy, les résultats ont dépassé les attentes en à peine trois ans. « Ils ont augmenté leur productivité de 35 %, le roulement du personnel a été réduit de 90 % et le niveau de satisfaction est devenu extrêmement élevé », souligne M. Rougès. Selon les données du cabinet CultureRx, les entreprises se lançant dans cette aventure ont augmenté leur productivité de 20 % en moyenne.

Une relation gagnant-gagnant
Si la performance de l’organisation augmente, c’est que « chacun redevient propriétaire de sa vie », illustre M. Rougès. Avec des horaires libres, les employés reprennent le contrôle de leur vie et deviennent plus responsables au travail. Cela leur permet créer des synergies entre leurs objectifs de vie au sens large et leurs objectifs professionnels. « Il est aujourd’hui évident que plus les employés sont épanouis, plus ils sont performants », insiste M. Rougès avant de parler de ce salarié passionné par le surf qui vivait à la plage tout l’été, tout en continuant d’être productif pour son entreprise.

Mais cette impression de liberté totale ne place-t-elle pas les travailleurs dans un cadre de productivité 24 heures sur 24 ?

Pour le spécialiste en gestion, ROWE n’a pas été pensé pour mettre en place une nouvelle forme d’aliénation. Au contraire. « L’idée, ce n’est pas que les salariés travaillent plus, c’est qu’ils travaillent mieux, expose-t-il. Si on est capable d’atteindre plus de résultats en travaillant moins, l’employeur en sort aussi gagnant. »

Un des enjeux de la méthode ROWE est d’ailleurs que les gens respectent leurs vacances, car on observe que plus on donne de liberté à un individu, plus il a tendance à travailler. « C’est comme pour tout, il y a une phase d’apprentissage et d’adaptation pour trouver un équilibre. Il faut que l’entreprise accompagne les employés en mettant en place des moyens de contrôle de l’investissement qu’ils mettent dans leur travail », prévient M. Rougès.

Un mode de gestion d’avenir ?
Le modèle ROWE est difficilement applicable au Québec où le droit du travail est plus contraignant qu’aux États-Unis. Mais certaines entreprises ont modernisé leur gestion en reprenant certains éléments de sa philosophie.

C’est surtout le cas des entreprises du secteur dit « du savoir » où l’on peut travailler de partout à partir du moment où on a un ordinateur, un téléphone et une connexion internet.

« Il y a toutes sortes de contingences qui font que les organisations ne peuvent pas toutes calquer le modèle de Best Buy, mais la philosophie est absolument généralisable pour un grand nombre d’entreprises, et partout sur la planète », estime M. Rougès.

La méthode : évaluer les salariés sur les objectifs plutôt que sur la manière dont ils les atteignent. Mais surtout, avoir confiance en ces employés que l’on choisit d’embaucher pour leur donner de l’autonomie. « En tant que patron, pourquoi payer des gens que l’on considère de toute façon trop niaiseux pour prendre leurs propres décisions ? », conclut avec dérision M. Rougès.