Naît-on créatif?

À toutes les sauces, toutes disciplines confondues, dans tous les colloques, forums et autres laboratoires d’idées, la créativité est à l’honneur. On en veut et on la vante. Mais en sommes-nous tous dotés, et comment la faire vivre?
« La créativité, c’est ce qui rend les gens uniques. » Sophie Côté, directrice d’Ubik, le studio créatif d’Ubisoft, en sait quelque chose. À la tête d’une équipe de 70 personnes d’horizons très divers, son travail quotidien consiste à stimuler la création. « La façon que chacun a de penser et d’agir par rapport à son environnement, de l’influencer et de trouver des solutions à des situations difficiles, c’est tout cela la créativité », assure-t-elle.
Sommes-nous égaux devant la créativité? Oui, croit Patrick Cohendet, cofondateur et codirecteur de MosaiC, entité reliée à HEC Montréal et qui se définit comme un « catalyseur de potentiel créatif ». Et ça n’a rien à voir avec l’intelligence, selon lui. « On n’a peut-être pas le même quotient intellectuel, mais on est tous également créatifs. Les études qui tentent de démontrer le contraire sont peu concluantes. C’est plus une question de contexte et d’environnement. Une entreprise qui empêche ses employés d’échanger des idées sera difficilement créative. »
Pour François Leduc, de la Société québécoise des psychologues du travail et des organisations, les ennemis premiers de la créativité sont le stress, l’anxiété et l’insécurité. « Un contexte trop conforme, rigide dans ses valeurs et ses façons de faire aura tendance à la tuer », dit-il.
Nourrir sa créativité
Pour vivre heureux, vivons curieux! « Lire, voyager, aller au cinéma, visiter des expositions sont de bons moyens d’entretenir sa créativité, explique Sophie Côté. Il faut sortir de son champ de connaissances, et s’intéresser à ce que les gens font, c’est une mine d’or. » Il faut aussi se tromper, assure Patrick Cohendet. « Le droit à l’erreur est fondamental. On pourrait aussi définir la créativité par avoir la capacité d’apprendre de ses erreurs. » Pour arriver au Dyson Ball, un aspirateur sans sac, le fabricant est passé par 400 prototypes. « Si je n’avais pas pu faire de fautes, je n’aurais rien pu faire », a-t-il conclu.
Pour l’enfant qui s’invente un univers à partir d’une boîte de carton comme pour le cuisinier réalisant des mariages de saveurs improbables, l’ingrédient de base reste le même : sortir de ses carcans. Plus facile à 3 ans qu’à 40, parce que l’âge amène un certain conformisme, une routine qui a tôt fait d’inhiber notre potentiel créatif. D’où l’importance de quitter sa zone de confort.
Sophie Côté a emmené son équipe visiter l’exposition Star Wars au Centre des sciences de Montréal. « Ça n’a rien à voir avec nos activités, mais ça stimule. Il faut s’obliger à se dépasser pour trouver des idées qu’on n’aurait pas eues en temps normal. »
Patrick Cohendet prône la capacité de penser en dehors des sentiers battus et celle « d’écouter les autres pour être capable de s’articuler à leurs idées. » Avec un soupçon d’humilité saupoudré sur le tout, « sans quoi la remise en question est impossible! »