Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a récemment proposé d’imposer le CV anonyme afin de favoriser l’intégration en emploi des immigrants. Cette proposition, qui fait débat depuis longtemps en France, est loin de susciter le consensus également de ce côté-ci de l’Atlantique.

La discrimination à l’étape du tri des CV est particulièrement forte, comme l’a prouvé une étude de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse réalisée en 2012. Ses conclusions étaient catégoriques: «À caractéristiques et à compétences égales, un candidat au nom de famille québécois a au moins 60% plus de chances d’être invité à un entretien d’embauche qu’une personne qui a un nom à consonance africaine, arabe ou latino-américaine», écrivaient les chercheurs de la Commission.

Or, anonymiser les CV permet de supprimer les indices d’appartenance à un groupe racisé, ce qui améliore les chances de travailleurs qui en sont issus d’obtenir une entrevue d’embauche. Cette pratique permettrait aussi de diminuer la discrimination basée sur le sexe et ainsi de faire d’une pierre, deux coups.

En France, une loi a été votée en 2006 pour imposer le CV anonyme aux entreprises de 50 employés et plus, mais la mesure n’a jamais été appliquée. Des entreprises et organisations ont toutefois tenté l’expérience dans le département de l’Essonne, dans le nord du pays. L’approche du CV anonyme a permis aux personnes ayant un nom jugé discriminant d’avoir 32% plus de chances d’être convoquées en entrevue et 36% plus de chances d’être embauchées.

«Quand on a la chance de rencontrer le recruteur en personne, ça peut l’amener à remettre en question les préjugés qu’il a. Ça force le recruteur à évaluer la personne comme individu et non comme spécimen d’un groupe racisé», explique le professeur au Département de sociologie de l’UQAM Paul Eid. Membre du Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté, il a participé à l’étude de 2012 de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

 

Repousser le problème

Le problème du CV anonyme est qu’il n’empêche pas la discrimination au moment de l’entrevue d’embauche. On peut d’ailleurs deviner l’origine ethnique du candidat selon le lieu de ses études. Cela ne règle donc pas le problème de la discrimination en soi.

Il est également difficile de mettre en œuvre l’anonymisation du CV. Faut-il faire reposer le fardeau sur les candidats ou imposer une procédure technique gérée par l’entreprise? Cette dernière option impose des coûts supplémentaires aux employeurs.

 

Une expérience à tenter

Selon Paul Eid, cela vaudrait toutefois la peine de tenter l’expérience au Québec, particulièrement dans la fonction publique, en raison de son grand bassin d’employés et donc de son potentiel d’expérimentation. Il croit qu’il vaudrait mieux de laisser le libre choix aux entreprises, car celles-ci sont jalouses de leur liberté d’action. Le chef du PQ, Jean-François Lisée, a quant à lui proposé que les entreprises privées puissent obtenir un service de présélection des candidats avec l’aide des centres locaux d’emploi.

L’argument clé, selon Paul Eid, est de montrer aux entreprises qu’elles n’ont rien à perdre. Selon lui, il n’est pas économiquement rationnel d’écarter quelqu’un en raison de son appartenance ethnique. «Un employeur risque de se priver d’un bassin de gens compétents pour des raisons irrationnelles. Le CV anonyme, ce serait presque leur rendre service, affirme-t-il. Le pire qui puisse arriver est le statu quo. Ça vaut la peine d’essayer.»

 

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