Pourquoi les femmes n’aiment-elles pas les jobs payants?

Les femmes sont beaucoup moins nombreuses à choisir les disciplines universitaires liées aux sciences, parmi les plus payantes : elles ne récoltent que 39 % des diplômes dans le domaine des sciences, technologies, génie, mathématiques et sciences informatiques (STGM). Pourquoi?
Pour comprendre les raisons qui font que ces disciplines restent boudées par le sexe féminin, Darcy Hango a comparé les résultats en mathématiques au secondaire avec les données avec le choix à l’université. Ce chercheur de Statistique Canada conclut ainsi que les filles demeurent plus faibles en maths même si elles réussissent globalement mieux à l’école.
Une question d’aptitudes?
Tenté de conclure que le choix va avec les capacités ? Pas si vite. Le chercheur a aussi trouvé que même les filles fortes en mathématiques se désintéressent des STGM. Quant aux garçons forts dans cette discipline, ils sont deux fois plus nombreux à choisir les STGM (46 %) que les filles fortes (23 %).
Cette donnée force le chercheur à conclure que le déséquilibre tient à d’autres facteurs. Il écrit : « Les différences d’attentes relatives au marché du travail, y compris l’équilibre entre la vie familiale et le travail, les différences de motivation et d’intérêt et d’autres influences pourraient expliquer cet écart entre les hommes et les femmes. » Ont-elles besoin d’entrer en contact avec l’humain davantage qu’avec la matière?
Il semblerait de toute façon que l’idée que les femmes soient moins bonnes en maths de manière «innée» n’est qu’un mythe. L’American Psychological Association publie l’avis des psychologues Janet Hyde, Steven Ceci et Wendy Williams. Tous trois concluent que c’est bel et bien la culture – entendue dans son sens large – qui influence le plus, et non pas des différences dans le cerveau ou un quelconque génome.
Si c’était une question génétique, qu’est-ce qui expliquerait que le ratio hommes-femmes ait autant changé en 20 ans? En 1983, parmi les étudiants obtenant les meilleurs résultats en maths, il y avait 13 garçons pour 1 fille. Le fossé s’est réduit jusqu’en 2007, où il y avait entre 2.8 et 4 gars pour chaque fille. Mais cette augmentation n’a pas entraîné une hausse aussi forte dans des carrières STGM.
Le manque de confiance en soi et d’assurance, souvent associé aux vieux stéréotypes, est plutôt pointé du doigt par ces chercheurs. Ils mentionnent par ailleurs que les filles bonnes en maths ont tendance à posséder d’autres capacités fortes, en communication par exemple. Alors que les garçons vont fortement s’identifier à la discipline dans laquelle ils sont bons, «je suis un mathématicien», une fille reste encore attirée par une diversité de carrière.
Besoin d’équité
La prestigieuse revue Nature a consacré un numéro entier au fossé entre hommes et femmes dans le domaine scientifique. On y conclut que les institutions scientifiques demeurent intrinsèquement sexistes, puisque malgré certains progrès, les femmes scientifiques sont encore payées moins, elles obtiennent moins de promotions et gagnent moins de bourses de recherche.
L’étude de Statistique Canada montre d’ailleurs que le taux de chômage chez les hommes diplômés des STGM est de 4,7 % et de 7 % chez les femmes. Troublant. Les femmes des STGM gagneraient aussi 10 000 dollars de moins annuellement, une différence plus marquée que dans les autres domaines.
On peut donc aussi retourner la question : pourquoi les jobs payants n’aiment-ils pas les femmes?