C’est a priori une bonne nouvelle : le niveau d’éducation ne cesse d’augmenter au Canada et est l’un des plus hauts du monde. Mais ce n’est pas sans effets pervers sur les perspectives d’emploi des diplômés eux-mêmes.

Depuis cinquante ans, le Québec et le reste de la Fédération sont dans une logique de rattrapage en matière d’éducation, selon la note d’information Niveau de scolarité et emploi publiée par Statistiques Canada en février dernier. Avec 7 % et 6,2 % de leur PIB consacré aux dépenses publiques dans ce secteur en 2006, la Belle Province et l’Ontario se situent sensiblement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (5,7 %). Et ça marche : le Canada se situe tout en haut du classement avec 50 % de ses 25 à 64 ans qui sont titulaires d’un diplôme postsecondaire, contre 30 % en moyenne dans l’OCDE.

Une autre statistique, moins joyeuse celle-là, indique en parallèle que leur taux d’emploi est de deux points inférieur à la moyenne des pays les plus développés (respectivement 82 et 84 %). Dans les cas de la Colombie-Britannique et de la Norvège, l’écart se creuse jusqu’à 11 %. Ainsi, l’offre de diplômés universitaires au pays pourrait bien être supérieure aux besoins du marché. C’est déjà évident dans certains secteurs des professions de la santé selon Le marché des diplômes, une étude  de l’Association des économistes québécois publiée en avril dernier.

Surqualifié = mal payé

Première conséquence de cette abondance de grosses têtes sur le marché du travail, la surqualification des travailleurs pour les emplois qu’ils occupent. Au Québec, les immigrés médecins ou ingénieurs qui en sont réduits à conduire un taxi pour gagner leur vie sont un fâcheux classique. Mais des situations apparentées se retrouvent également chez les diplômés d’institutions locales : déjà en 1995, environ 60 % des détenteurs de maîtrise étaient surqualifiés.

Autre conséquence découlant directement de la première, les employeurs se livrent à une surenchère en matière de recrutement. Les universités sont les premières à profiter de cette inflation des diplômes et à profiter de l’offre excédentaire de détenteurs d’un doctorat : elles sont nombreuses à exiger des études postdoctorales pour un poste régulier d’enseignement. Les conditions d’embauche des docteurs sont également souvent décevantes dans le secteur privé.

Les employeurs en viennent à considérer le niveau d’études comme un moyen peu coûteux de faire le tri dans la pléthore de candidats qualifiés disponibles. Même s’il n’est pas requis pour un poste donné, les recruteurs vont systématiquement rechercher un haut niveau de diplôme. Ils présupposent que la probabilité que le candidat détienne des compétences non directement reliées à sa discipline professionnelle (capacités de communication, d’analyse, d’adaptation au changement…) augmente avec le grade universitaire. En outre, les personnes très diplômées auraient déjà démontré une aptitude au travail abstrait, à la persévérance voire une résistance à l’ennui propre aux travaux de longue haleine.

Finalement, ce sont les rémunérations qui ne sont plus à la hauteur. Dans un marché qui leur est si favorable, les employeurs, principalement dans les services publics, ont beau jeu de ne pas répondre aux aspirations salariales des diplômés. Par exemple, un Ph. D n’obtient en moyenne qu’une prime salariale de 3 % par rapport à un détenteur de maîtrise, pour environ 5 ans d’études supplémentaires.

Cercle vicieux

Le fait que le diplôme ne soit plus perçu comme un passage certain vers un emploi valorisant et rémunérateur peut expliquer en partie le décrochage des études secondaires et collégiales. À l’inverse, il peut également conduire les étudiants à prolonger leur cursus, aggravant encore la suréducation, la dépréciation des diplômes et la sous-rentabilité des études.

Depuis le début de la crise étudiante, le gouvernement justifie la hausse des frais de scolarité en décrivant les études universitaires comme un excellent placement. Pourtant, le retour sur investissement des sommes de plus en plus importantes consacrées à l’éducation apparaît bien de moins en moins garanti.