Un candidat vous dit une chose, mais son corps et son expression faciale disent tout autre chose. Comment déchiffrer ce discours parallèle?

 

« Quand il s’agit de vraiment comprendre une personne, le principal c’est de ne pas séparer le verbal du non-verbal », explique Guy Bilodeau, président de Voir autrement, un cabinet de consultation en communication.

 

Le verbal, c’est le domaine de la raison, des idées, celui sur lequel la personne qui s’exprime a le plus de contrôle… dont celui de ne pas dire ce qu’elle pense ou ce qu’elle ressent vraiment.

 

Le non verbal, c’est le langage du corps, le domaine de l’expression des émotions. Cette forme de communication étant beaucoup plus spontanée, seuls les joueurs de poker professionnels ou les meilleurs acteurs réussissent à correctement dissimuler leurs émois, et à se fabriquer l’image qu’ils décident de projeter.

 

Les gens ordinaires, en revanche, sont plutôt transparents pour un œil formé au langage corporel. « Ce qui est intéressant, c’est d’observer la synchronisation entre le verbal et le non verbal, continue M. Bilodeau. Si votre candidat affirme qu’il est très enthousiaste pour le poste, mais que toute son attitude physique hurle le contraire, il y a désynchronisation. Il n’habite pas son message, qui ne peut alors que mal passer. »

 

Guetter la concordance entre discours et signaux physiologiques simultanés, d’accord. Mais comment interpréter lesdits signaux? « La première erreur que font souvent les gens, c’est qu’ils s’imaginent savoir si quelqu’un ment au fait qu’il se gratte l’oreille ou qu’il baisse les yeux à gauche. Or, il n’y a aucun fondement scientifique d’une quelconque relation entre des détails de ce genre et le mensonge. Ce qu’il faut regarder, c’est l’attitude générale de la personne, qui donne des indications sur son état intérieur », explique M. Bilodeau.

 

Singer son interlocuteur

Afin de savoir à quel état intérieur on a affaire chez notre interlocuteur, il existe un mécanisme cognitif connu sous le nom de neurones-miroir. Ce sont les cellules nerveuses responsables du réflexe spontané d’imiter les expressions faciales et corporelles de son vis-à-vis. La beauté de la chose, c’est qu’en faisant ça, on reproduit aussi les émotions qu’il ressent.

 

Pour avoir une idée de ce qui se passe dans la tête de votre candidat, il vous suffit donc de devenir suffisamment empathique avec lui pour que votre état d’esprit devienne le sien. « Il faut essayer d’arrêter de guetter des signes précis, conseille M. Bilodeau. Au contraire, devenez perméable, laissez vous aller et soyez à l’affût de vos réactions et de votre ressenti à vous », puisque le travail d’imitation corporelle se fait de façon automatique.

 

« Vous pouvez aussi vous entraîner à vous mettre dans la peau d’une personne que vous regardez à la télé ou dans un lieu public pour comprendre ce qu’elle ressent », conseille M. Bilodeau.

 

Attention, ne surtout pas oublier que la relation de communication a besoin d’être nourrie dans les deux sens. « Certains recruteurs vont essayer d’avoir l’attitude la plus neutre possible durant un entretien, dit M. Bilodeau. À moins qu’ils veuillent tester la résistance du candidat au stress, c’est une très mauvaise idée, car n’avoir aucune expression mettra le candidat mal à l’aise et bloquera la communication. Si vous vouliez en apprendre plus sur la personne, c’est raté », conclut-il.

 

C’est bien beau, mais qui me dit que telle posture chez moi signifie les mêmes émotions que chez un autre? Autrement dit, cette méthode de mimétisme est-elle vraiment fiable? « Les études montrent que la concordance entre les expressions faciales et le ressenti est un langage universel, affirme M. Bilodeau. Ce qui peut changer, c’est le degré de permission que notre culture nous donne d’exprimer tel ou tel sentiment. Mais le langage non verbal utilisé pour le faire reste toujours le même. »